3ème article : révision moteur d’un Corsaro Country

Publié le 16 novembre 2023 à 18:18

Printemps 2023 : en prévision de la saison moto qui s’annonce, je me décide à sortir de son hibernation une de mes Moto Morini, un Corsaro Country de 1973, pour finaliser le réglage de sa carburation (carburateur Dell’orto, UBF 20 BS).

J’avais acheté cette moto alors âgée de deux ans en 1975, pour mes seize ans, moto vendue ensuite pour « plus gros ». Le regret de m’en être séparé ne m’ayant jamais quitté, je rêvais souvent de la récupérer, si toutefois elle n’avait pas été recyclée pour contenir des petits pois et carottes...

En 2019, un hasard providentiel me permit de la retrouver et de pouvoir l’acheter une seconde fois ! Munie d’un kit moteur pour la passer en 150 cc, elle était malheureusement en beaucoup moins bon état que lors de son premier achat. Mais après plus de deux ans de travaux de restauration, le bonheur était à son comble. Je passerai sur la difficulté de dénicher chaque pièce manquante, finalement trouvée. Cependant, bien que son moteur ait été reconditionné, l’essai ne fut pas concluant du tout : surchauffe au niveau du cylindre et bougie trop claire, signes d’une carburation trop pauvre. De plus, malgré la pose de nouveaux joints de carters lors de la réfection du moteur, celui-ci présentait de nombreux signes d’incontinence.

Lors de ce redémarrage, un bruit suspect dans le haut moteur coupa tous mes élans. Un nouveau démontage du bloc était donc à prévoir. Connaissant Joël et ses compétences en la matière, il était pour moi inimaginable de confier le moteur du Country à qui que ce soit d’autre.

Son manuel de réparation des moteurs de Corsaro 125, mis en ligne en ce début d’année 2023 et que vous pouvez retrouver facilement sur son site  https://www.motomorini-moteurcorsaro125.fr ou tout simplement en tapant dans Google Corsaro 125, me rassurait pleinement. C’est donc en toute confiance que je décidais de lui confier mon petit scrambler.

Un rendez-vous fut donc pris avec lui en juin pour lui déposer le Country, afin qu’il reprenne le travail de réfection mécanique de A à Z.

Chez lui, Joël a donc procédé à de multiples essais avant de sortir le moteur de son cadre Verlicchi (spécifique aux Country ainsi qu’aux Regolarita de dernière série) et l’a ouvert intégralement pour établir un diagnostic précis de son état. Au fur et à mesure de ses travaux, il m’a tenu informé de leur avancement, photos et explications à l’appui. Et en septembre, la moto était prête !

Un nouveau rendez-vous fut pris, cette fois pour aller chez lui récupérer ma petite perle verte. Plus de neuf cents kilomètres pour l’aller et le retour, mais sans hésitation aucune, parce que ce petit scrambler « le vaut bien » ! L’accueil chaleureux que son épouse et lui m’ont réservé, autour d’une excellente table, je ne l’oublierai pas non plus. Et avant de reprendre la route du retour, c’était aussi l’occasion de faire une petite balade dans son coin, lui sur son Corsaro Special (une merveille !) et moi sur le petit scrambler, qui tournait enfin comme une horloge !

Il y a des moments qui comptent plus que d’autres, dans une vie…

Bruno

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Juin 2023 :  Réception du Country pour diagnostic des problèmes rencontrés et des réparations à envisager.

On peut dire que le Corsaro Country de Bruno est magnifique, d’autant plus que ce modèle, déjà peu vendu lors de sa courte période de production (plus cher que sa concurrence, à l’époque), devient très rare.

La rénovation qui a été engagée est de qualité dans l’ensemble, notamment pour la partie-cycle, la carrosserie et la peinture.

On n’en dira pas autant côté moteur car après un rapide coup d’œil, je remarque des fuites d’huile, particulièrement au niveau des deux demi carters centraux.

La punition est là dès le départ : il faut ouvrir complètement ce moteur, afin d’étanchéifier cette fuite principale et les autres, comme au niveau du carter latéral gauche, ainsi que du côté de la tige d’embrayage, du côté droit.

Afin d’agir efficacement, il est nécessaire de travailler avec méthode : avant l’ouverture du moteur, j’effectuerai donc des essais afin d’établir un diagnostic précis sur son fonctionnement, pour remédier au fur et à mesure des petites pannes et problèmes rencontrés. 

Dès les premiers coups de kick, je constate que ce moteur démarre facilement, grâce au montage d’un allumage électronique (Kennedy). On sait que ces moteurs ne sont pas réputés pour être violents au démarrage avec un allumage en 6 volts, non relié à la batterie mais uniquement au volant magnétique et aux vis platinées.

Le premier essai n’est pas foudroyant car le moteur subit des variations de régime, ne monte pas dans les tours et donne de sérieux à-coups.

Deux kilomètres parcourus suffisent, il faut rentrer car côté carburation, il y a un problème. Je diagnostique rapidement une, voire deux prises d’air au carburateur, dont un desserrage important du couvercle de la cuve où se loge l’aiguille du pointeau.

Je pousse plus loin la recherche et constate une prise d’air à la bride intermédiaire entre la culasse et le carburateur, la portée du carburateur est déformée, à cause de serrages excessifs. J’effectue un surfaçage sur un marbre, avec un papier à poncer, afin d’aplanir cette portée, ainsi que sur la cale intermédiaire qui a subi des serrages successifs très important. Les deux joints sont évidemment remplacés, afin de repartir sur de bonnes bases.

Sachant les risques de casse liés à une prise d’air à l’admission, il était temps d’intervenir.

Le moteur du Country est remis en route dès le 1er coup de kick, malgré le constat d’une compression pas excellente. J’y verrai plus clair à ce sujet lors du démontage du moteur.

Lors de l’essai suivant, je ne reconnais plus le moteur, qui maintenant monte dans les tours. Je constate cependant la présence d’imbrûlés (pétarades en descendant les vitesses), problème certainement dû à la taille trop importante du gicleur. 

Le nécessaire est fait en rentrant (gicleur plus petit), ainsi qu’une vérification du jeu des culbuteurs, qui est correct.

La couleur « café au lait » de la bougie validera le choix de la taille du gicleur.

Un essai supplémentaire sur une dizaine de kilomètres sera ensuite mené à un régime plus élevé, mais lors du retour, je constate une variation importante du régime pour revenir au ralenti, puis intervient une panne subite, avec des claquements du moteur, du côté de l’allumage.

Le diagnostic est rapide : l’écrou du volant magnétique est desserré. Le volant tourne librement sur le vilebrequin.

Après démontage du carter latéral droit, le constat est simple sur cet allumage électronique : le volant magnétique fourni pour cet allumage n’a pas de rainure de clavetage. À noter : aucun dégât au niveau des cônes, vilebrequin et volant magnétique.  Il s’ensuit une belle bagarre pour recaler l’allumage sans clavetage en suivant les repères et ensuite pour serrer l’écrou du vilebrequin, sans que rien ne bouge. Il faut avoir recours à un tournevis de bonne taille pour bloquer le piston, par l’orifice de la bougie.

Je repars pour un autre essai, sur une bonne distance cette fois-ci, à un régime moteur assez élevé.

Les petits défauts constatés lors des essais précédents ont tous disparu. On peut dire que toutes les réparations et réglages autour du moteur ont été effectués.

 

L’étape suivante consiste donc au démontage complet du moteur, afin de faire le point sur les éléments les plus importants de ses organes internes, dont l’état de la culasse, celui des soupapes et de leurs guides, des cylindre/piston et des segments ainsi que de l’ensemble des roulements et des joints d’étanchéité, comme les joints spi.

Sortir ce moteur du cadre Verlicchi, spécifique au Corsaro Country, ne fut pas de tout repos, surtout en respectant la peinture du châssis … Un conseil : utiliser un petit cric pour pouvoir sortir le bloc de ses ancrages. Démonter la culasse pour sortir le bloc est un plus pour limiter son encombrement, surtout dans le cas précis de ce moteur, puisque son cylindre de 150 cc est plus haut que celui du 125 d’origine. Concernant la méthode pour le démontage du bloc et l’établissement d’un diagnostic précis, je ne m’attarderai pas car vous retrouverez toutes les étapes du contrôle dans le manuel disponible sur mon site.

 

Constats établis à l’ouverture du moteur :

 

Lors du démontage de ce moteur, j’ai constaté que la culasse n’avait pas été suffisamment serrée lors du remontage précédent : les écrous étaient partiellement rouillés (partie filetage) sur les goujons du bloc moteur, entrainant un défaut de serrage. Des rondelles supplémentaires avaient été rajoutées pour compenser, alors qu’il suffisait de nettoyer le filetage des écrous de la culasse avec un taraud approprié, de diamètre 8mm pour obtenir ensuite un serrage franc. 

L’état interne de la culasse est relativement noir de fumées, signe d’une mauvaise combustion due à un mélange air/essence trop riche. La soupape d’échappement, usée, n’étant plus étanche entrainait une grosse perte de compression. J’ai donc procédé au remplacement des deux soupapes et de leurs guides ainsi que la rectification des sièges, avec une fraise appropriée et un rodage à la pâte. 

La segmentation est correcte, les jeux à la coupe aussi, mais je constate que ces éléments ont tourné et restent difficilement dans la position tiercée lors de leur montage. (Problème récurrent sur ces moteurs).

L’état du cylindre et du piston est correct, proche du neuf, mais je constate que la cote de rectification du cylindre n’a pas été respectée : + 1,5 /10 de jeu alors que celle-ci est frappée sur le dessus du piston (sans conséquences importantes).

Ensuite, ouverture du carter latéral gauche et des carters centraux pour palier au problème des fuites d’huile (lors de la réfection précédente du moteur, les carters avaient été assemblés avec des joints neufs, mais de mauvaise qualité et une colle non adaptée).

À l’ouverture du bloc, la grande difficulté a été de séparer ses carters centraux : pour cause, les roulements du vilebrequin, qui avaient été remplacés récemment, ne sont pas de qualité (C3, jeu plus important). Il a donc fallu batailler pour dissocier ces carters, sans abimer les organes internes du moteur.

Il s’est avéré nécessaire de remplacer au moins le roulement droit côté volant magnétique du vilebrequin en qualité C3 pour faciliter le remontage et l’assemblage des demi-carters centraux.

Autre constat : l’ensemble des arbres de la boite de vitesses ayant été montés à sec sur leurs roulements respectifs, leur démontage ne fut pas aisé.

Le collage des carters centraux est nécessaire lors du remontage, à privilégier aux joints « papier », avec une colle qui résiste aux huiles et aux températures élevées. Le type de colle que vous pouvez utiliser : ORAPI étanchéité sealing 333 pour surfaces planes.

Vous retrouverez d’ailleurs sur ce site « Manuel Corsaro 125 Moto Morini » toute la méthodologie à suivre afin d’obtenir l’étanchéité parfaite de votre moteur.

 

Le remontage du moteur s’est fait plus facilement que son démontage, sur des bases saines.

Et une fois les travaux terminés, plusieurs essais sur route, très concluants, ont validé le travail effectué.

 

Joël

 

 

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